mardi 6 mai 2008

Un couloir sombre mais sec.

Imaginez une file d'attente toute soviétique, des resquilleurs qui tentent leur chance, des petits malins qui profitent de la crédulité des novices pour leur proposer de passer outre la queue moyennant une forte rémunération, sans préciser que l'ouverture des portes est imminente. A ce tableau déjà brumeux, vous ajoutez des policiers au regard fixe et sans merci, une sécurité au delà de ce qu'on voit partout ailleurs, un chemin balisé par des tombes de plus en plus sombres et évocatrices de la noirceur du passé. Enfin, après quelques détours, vous entrez dans le bâtiment, lourde construction rougeâtre veinée de noir, vous pénétrez dans une pénombre de plus en plus angoissante, scruté par des gardiens sortis de vos pires cauchemars, cadavériques, portant un uniforme vert sombre soulignant la noirceur de leur regard. Et vous vous enfoncez dans la noirceur de l'escalier et la descente de chacune des marches provoque la montée d'une angoisse sourde jusqu'à votre cœur. Vous arrivez à situer physiquement votre âme tant sa lourdeur la matérialise au sein de votre corps. Et, à la fin de ce couloir sombre mais sec, vous parvenez enfin au but de votre périple morbide. Toujours observé par les gargouilles aux yeux perçants, vous oubliez complètement cet environnement insensé tant ce que vous avez sous les yeux est oppressant. Un cercueil de verre protège des pèlerins une momie dans son sommeil éternel, blanche comme une statue de craie, les traits tirés et les poings serrés, comme endormi trop vite après une colère et qui ne semble dormir que d'un oeil. Mais pourtant, malgré les supplications de certains visiteurs, elle ne bouge pas et ne bougera plus, à moins qu'elle ne se décide un jour à se réveiller et de nouveau reprendre le pouvoir qu'elle a abandonné à d'autres hommes sans doute moins méritants qu'elle... Ou que lui, vu que son nom trône sur le fronton de son mausolée : Lénine.

Après cette plongée dans le gouffre, la sortie à l'air libre est une bouffée de vie qui remonte d'un coup dans les veines et vous laisse sonné pendant quelques instants, au point de ne presque pas remarquer les bustes de quelques célébrités qui se dressent sur votre passage. Et c'est bien après avoir dépassé Staline, Brejnev ou Andropov que vous reprendrez finalement vos esprits et finirez votre aventure au milieu de la place rouge, par un jour ensoleillé d'avril.

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